samedi 27 février 2016

LE MONDE DES CONTRASTES


EXTRAIT D’ISORY POUTCH, TOME III, PARTIE 1


EXTRAIT D’ISORY POUTCH, TOME III, PARTIE 1

EXTRAIT D’ISORY POUTCH, TOME III, PARTIE 1


–  […] Galinius connaît des jours sombres à notre époque, leur annonça le vénérable : de la guerre, nous n’en connaissions que le mot avant que l’ennemi nous attaque. Depuis lors, la paix d’esprit n’est plus. Elle a quitté les habitants de cette contrée. Je vous regarde et je peux lire la peur qui se profile sur votre visage, jeunes Terriens. Vous êtes accablés. Et je le comprends. On pourrait l’être à beaucoup moins. Mais il ne tient qu’à vous de la surmonter.
S’attendant à ce que l’un d’eux réagisse, le vénérable regarda ses observateurs tour à tour. Mais aucun d’eux ne le fit. À la place, il vit de jeunes Terriens qui affichaient l’air d’initiés en train de se pencher sur la question.
– Vous surmonterez cette peur, continua-t-il, avec conviction, car vous êtes dotés d’une grande force intérieure. Cependant, vous devrez apprendre à vous en servir.
– Et comment devrons-nous nous y prendre ? intervint enfin l’un d’eux.
Il s’agissait de Matt.
     – En suivant un enseignement.
Des regards perplexes se dessinèrent sur le visage de ses observateurs, signe que le vénérable venait d’éveiller leur intérêt en eux ou, à tout le moins, leur curiosité.
– Tout au début…
– Pardonnez-moi, Vénérable, mais vous prétendez qu’il suffit d’un enseignement pour vaincre la peur ! l’interrompit Matt. Et c’est ce que vous vous apprêtez à nous prodiguer ?
– Exactement.
– Ça me paraît…
– … impossible ? finit le vénérable à sa place.
– C’est ça !
– Rare est celui qui y parvient du premier coup, même pour un Terrien doté d’une grande force, telle que celle qui circule dans chacun de vous. En somme, il faudra vous y exercer, comme vous l’avez fait avec vos pouvoirs. Et très vite, vous deviendrez habiles ; vous parviendrez à transformer la peur en une énergie positive.
– Tout cela me paraît si abstrait, dit Esméralda, qui affichait un air ennuyé.
– Et cet enseignement, continua Isory, je présume que les Siriens compagnons le suivent ?
– Non seulement ils le suivent, mais ils finissent très souvent par surclasser leur maître.
– Dans ce cas, nous vous écoutons, Vénérable, dit Nil, qui s’était fait plutôt discret jusqu’à présent.
Le vénérable s’approcha d’eux et commença à leur enseigner les rudiments de la technique de contrôle sur la peur.
– La peur est à l’audace ce que la nuit est au jour. L’idée derrière cette figure de style est de mettre en relief les contrastes. En somme, l’enseignement que je m’apprête à vous donner est basé sur cette idée. Nous appelons cette théorie le Monde des Contrastes.
– Je m’excuse, Vénérable, intervint Esméralda en levant la main. Mais, là, ça me semble plus incompréhen­sible encore que ça l’était il y a quelques instants.
– Laissez-moi continuer, jeune Terrienne, et vous comprendrez bien assez vite, lui répondit le vénérable. Je disais donc ? Les contrastes. Les contrastes sont partout : dans la nature comme dans la vie de tous les jours. Certains d’entre eux n’auront pratiquement aucun impact dans votre vie. La nuit et le jour en sont un parfait exemple ; d’autres, par contre, vous occasionneront de grands malaises, et le sentiment de peur en fait partie.
– Et que doit-on comprendre à cela ? s’enquit Nil.
– J’y viens, jeune Terrien. Il vous est certainement arrivé d’être victime d’une injustice à un moment donné de votre vie. Injustice à laquelle vous avez réagi, j’en suis sûr.
– C’est normal, non ? répliqua Isory.
– Très juste ! Mais qu’avez-vous fait lorsque ça s'est produit ? Vous  êtes-vous défendus ou avez-vous préféré vous rendre justice ?
Là était la question.
Le vénérable regarda ses apprentis, persuadé que l’un d’eux réagirait. Mais aucun n’osa répliquer.
– Revenons à la peur continua-t-il. Lorsque ce senti­ment vous habite, il vous fait prendre conscience qu’un danger rôde. À partir de cet instant, vous devenez alerte à votre petite voix intérieure. Vous êtes en somme dans un état de méfiance. Parfois, votre peur est telle qu’elle vous paralyse, tellement que vous vous retrouvez dans un état de mutisme. […]
– Quel est le rapport avec les contrastes ? demande Nil.
– C’est pourtant simple : les contrastes sont là pour rester, répondit le vénérable. […] La peur restera toujours un sentiment qui guette chacun de nous, continua-t-il. Elle est comparable à un fauve guettant sa proie. Que peut-on y faire, par conséquent ? En prendre conscience. Voilà ce que vous devez faire : lorsque la peur monte en vous, il faut seulement vous en rendre compte, sans pour autant la laisser vous mener. Autrement dit, elle ne doit pas guider vos actions, bien qu’il faille la laisser suivre son cours.
– Comme le jour et la nuit, commenta Nil.
– Exactement ! Et, comme le jour s’incline devant la nuit, la peur cède sa place à l’assurance.
– Autrement dit, on ne doit pas lui accorder trop d’importance, ajouta Nil.
– En fait, plus vous y penserez, plus ce sentiment dominera votre esprit. Cela ne veut pas dire de l’ignorer, bien au contraire. Vous devez simplement lui accorder la place qui lui revient, ni plus ni moins. C’est simple, non ?
– C’est plus facile à dire qu’à faire, le corrigea Isory. Lorsqu’il s’agit d’un être cher, et que cet être cher est malade, là, c’est une autre histoire.
Isory regarda par terre, comme si elle était en train de réaliser à l’instant le sens des derniers mots qu’elle venait de prononcer.
Ce dont le vénérable s’aperçut.
– Je te le concède, Isory, dit-il d’une voix douce et réconfortante. La peine que tu éprouves, en ce moment, est justifiée, car c’est de ta mère dont il s’agit ici, n’est-ce pas ?
Isory hocha la tête en guise d’acquiescement.
– Mais dans ton esprit, il y a plus encore, continua-t-il. Tu perçois cette peine comme quelque chose d’incorrect, tel un microbe dont on cherche à se débarrasser. C’est pourquoi ta souffrance est si grande. Malheureusement, ce sentiment ne changera rien à la situation, tout comme il n’a rien changé jusqu’à présent, puisque ta mère est aussi malade aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. La seule voie, celle qui te libérera de cette souffrance, est d’accepter cette peine comme faisant partie d’un processus normal, celui du monde des vivants. Seulement, à partir de ce moment-là, la paix d’esprit tu retrouveras. […]


lundi 7 décembre 2015

Tome I (extrait)

 


 
[...] Subitement, un froissement de feuilles perça le silence. Une bête ressemblant à un poney sortit du sous-bois et tomba face contre terre. Péniblement, l’animal se releva sur ses pattes en tentant de garder son équilibre. Il n’avait pas l’air dangereux. Intriguée, Isory s’en approcha doucement. L’animal semblait plus curieux qu’effrayé. Il étira le cou pour sentir la cape d’Isory. Celle-ci renifla aussitôt une odeur faisant étrangement penser à de l’alcool. Elle remarqua aussi les yeux du poney qui n’arrêtaient pas de bouger. D’un geste énergique, elle tenta de chasser la puanteur tout en faisant la morale au cheval.
       Beurk ! Ouache ! Tu sens mauvais. On ne t’a jamais dit que c’est impoli de souffler au visage des gens ?
Au même instant, l’animal s’écroula par terre. Spontanément, Isory s’accroupit près de lui et posa l’oreille sur son ventre. Il était bien vivant.
       Il a l’air soûl ! Comme c’est bizarre !
Elle entendit alors un nouveau froissement des feuilles, suivi de craquements secs, comme si on cassait des branches. Elle se doutait bien qu’un autre spécimen allait faire son apparition. Et comme de fait, un deuxième poney sortit du sousbois en titubant lui aussi. En le voyant, elle se mit à ricaner.
C’est alors qu’un oiseau gigantesque avec une tête d’aigle surgit derrière lui et l’attaqua. En quelques secondes à peine, il égorgea le petit cheval avec son bec coupant. Ensuite, il l’empoigna avec ses immenses serres et, d’un coup de bec, transperça la chair chaude de sa victime pour assouvir sa faim. Isory était glacée d’horreur. Rester là n’était pas une option, car elle savait bien qu’elle servirait de dessert lorsque l’oiseau de proie aurait terminé avec le poney. Mais sa peur était telle qu’elle arrivait à peine à respirer, et encore moins à bouger. Elle se parla pour tenter de se ressaisir :
       Passe à l’action, Isory. Allez ! Fais preuve de courage.
Elle essayait de garder son calme, mais elle frémissait. Finalement, elle réussit à se mouvoir. Sans quitter des yeux le monstre à deux pattes, elle s’éloigna tranquillement sur la pointe de ses bottes à tuyau. Par malheur, elle trébucha sur une racine d’arbre qui traversait le sentier et tomba brusquement. Elle avait l’impression de se retrouver dans un film d’horreur. L’oiseau arrêta sur-le-champ son carnage et leva la tête. Il était couvert de sang. Il fixa Isory un certain temps, puis gonfla ses plumes et ouvrit son bec pour pousser un cri à faire glacer le sang dans les veines. Isory se releva promptement et se mit à courir de toutes ses forces. À son grand malheur, ses mouvements éveillèrent l’instinct du prédateur qui la prit en chasse, courant derrière elle. Le sol tremblait de plus en plus sous les pieds d’Isory qui sentait la bête se rapprocher rapidement. Elle tourna la tête et aperçut l’oiseau qui s’apprêtait à l’attaquer.
       AAAAAAAAAAAAH !
Isory posa son regard sur une branche d’un arbre immense qui se trouvait à quelques pas devant elle et, sans comprendre d’où venait la voix qui lui parlait, elle commanda à son corps d’exécuter ses ordres. Elle sentit alors une force soudaine pousser son corps vers l’avant et l’emporter dans les airs. Criant sans retenue, elle continua de courir dans le vide. Son élan la précipita contre les branches de l’arbre, d’où elle retomba lourdement sur le sol. Étourdie, Isory voyait les arbres bouger autour d’elle. Elle secoua la tête afin de reprendre ses esprits. L’oiseau s’approcha et se transforma instantanément en gnome. Bouche bée et encore un peu étourdie, elle observa le petit bonhomme, qui lui adressa la parole [...].
 

 

 

 


 

Sketch de Fébée, la lionne ailée, personnage introduit dans le tome III

 
 

 

Orace Peulocace, personnage introduit dans le tome I, le cuisinier d'Édouard Vulstock